Jean Amable Dutheil est né le 9 mars 1921 à Saint-Sauvier (Allier) ; ses parents, Louis et Marie Clautrier sont agriculteurs. Il est bon élève et obtient un baccalauréat littéraire au Lycée de garçons de Montluçon et il s’inscrit à l’Ecole de Plein exercice de Pharmacie.
Le 23 juillet 1943, lors de l’accident de l’avion de la Royal Air Force qui s’est écrasé à Saint-Sauvier, Jean Dutheil attire l’attention des Allemands qui l’obligent à descendre dans l’étang de La Romagère chercher les containers cachés par les résistants. A l’automne 1943, il reprend ses études en deuxième année de Pharmacie à Clermont-Ferrand. En 1939, l’université de Strasbourg, se sentant menacée, s’installe à Clermont-Ferrand et quand l’Armistice est signé, professeurs et étudiants refusent de retourner en Alsace redevenue allemande. Dès 1941, les premiers mouvements de résistance se manifestent chez les étudiants strasbourgeois et clermontois.
Une première rafle se déroule dans un foyer accueillant des étudiants strasbourgeois le 25 juin 1943. Puis, le matin du jeudi 25 novembre 1943, l’université, avenue Carnot, est cernée par des policiers, 200 hommes de la Luftwaffe ainsi que par la Gestapo de Clermont et Vichy. Le but de l’opération est d’arrêter des professeurs et des étudiants identifiés comme résistants et de détruire un pôle de résistance. 1200 étudiants et personnels de l’université rassemblés dans la cour, sont « triés » par des membres de la Gestapo assistés par un étudiant en histoire. Un collégien Henri Blanchet, et Paul Collomp professeur d’université à Strasbourg, sont assassinés durant la rafle. Environ 600 personnes sont conduites à la prison militaire du 92e Régiment d’Infanterie et 130 sont déportées.
Jean Dutheil est présent avec ses collègues au pavillon de chimie, il est arrêté [1] et incarcéré à la prison militaire, caserne du 92e R.I. jusqu’au 31 décembre 1943, date à laquelle il est transféré au camp de Royallieu à Compiègne. Le 17 janvier 1944, il est déporté à Buchenwald. Déporté politique, il porte un triangle rouge et reçoit le numéro 40827. Il effectue une période de quarantaine au Block 52 du Petit camp, puis le 23 février il est transféré au camp de Flossenbürg en Haute Bavière, matricule 6625. En mars 1944, il est affecté au Sonder Kommando de Johanngeorgenstadt (Saxe), dans une usine d’aviation.
À l’annonce de l’arrivée des troupes alliées, le Kommando est évacué en avril 1945 vers Theresienstadt où Jean Dutheil arrive le 6 mai 1945. Deux de ses collègues de l’université le rencontrent à l’infirmerie où il est gravement malade. Jean Dutheil décède à l’infirmerie de Theresienstadt, le 6 mai 1945.
Pendant des années, ses parents multiplient les démarches [2] pour trouver leur fils car si certains évoquent son décès, d’autres personnes disent l’avoir vu dans un hôpital à Odessa … Cependant, Jean Dutheil, disparu le 6 mai 1945, est déclaré « Mort pour la France » par arrêté du 22 juillet 1947 et par jugement du Tribunal de Grande Instance de Montluçon le 8 décembre 1950.
L’Université se voit décerner la médaille de la Résistance, une plaque rappelle le souvenir de la rafle de novembre 1943. Depuis la Libération, tous les ans le 25 novembre, l’université de Strasbourg et celle de Clermont, commémorent cette rafle, la plus importante subie par une université durant l’Occupation.
En 2023, le conseil municipal de Saint-Sauvier donne son nom à l’école élémentaire publique de la commune.
Nicole Poulet
[1] Les motifs de son arrestation sont divers : faux papiers, activités dans la Résistance, l’une de ses collègues se souvient que Jean portait toujours une croix de Lorraine sur sa chemise sous sa blouse blanche à la faculté de Clermont-Ferrand.
[2] Ce document et tous ceux mentionnés dans cet article émanent du dossier de déportation de Jean Amable Dutheil, mort en déportation, AC 21 P 446686, Ministère des Armées, Service Historique de la Défense, Centre historique des archives, Division archives des victimes des conflits contemporains, Caen.